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La Croisière jaune Citroën, des automobiles à la conquête de la route de la Soie

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Message par Admin Jeu 6 Jan - 16:59

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Correspondance, Gautier DEMOUVEAUX

En 1931, Citroën finance une expédition motorisée qui doit relier Beyrouth à Pékin. La « Croisière jaune » a pour mission de promouvoir les qualités techniques des véhicules du constructeur français, mais aussi de récolter le plus possible de données scientifiques. À travers les films, photos et récits publiés dans la presse, l’expédition va émerveiller plusieurs générations.

4 avril 1931, Beyrouth. Une étrange colonne de huit véhicules quitte la capitale du Liban, alors sous protectorat français, en direction de l’Orient. La Croisière jaune Citroën se met en branle pour tenter l’exploit de rejoindre Pékin et traverser l’Asie Centrale, un périple de plus de 13 000 km, sur des routes à peine carrossables. C’est là que réside tout le défi de cette expédition automobile.

L’entreprise créée et dirigée par André Citroën n’en est pas à son coup d’essai pour promouvoir ses véhicules et montrer au monde entier la fiabilité de ses moteurs. Déjà, en 1923, les autochenilles de la marque aux chevrons ont traversé avec succès le Sahara, avant de s’engager dans un périple à travers le continent africain, reliant l’Algérie à Madagascar.

Cette fois-ci, c’est l’antique route de la Soie qui est choisie pour cette nouvelle expédition publicitaire, qui a également une portée culturelle et scientifique. En effet, parmi la quarantaine de membres engagés par la firme Citroën, on trouve – outre les mécaniciens et les cadres techniques de l’expédition – des géographes, des archéologues, des naturalistes, mais aussi une équipe de cinéma, des dessinateurs et photographes chargés de documenter le patrimoine historique de ces contrées lointaines traversées, ainsi que la vie de leurs habitants. C’est là toute la magie et le génie commercial des équipes de Citroën : susciter la fascination avant même le départ !

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Avant le départ de la Croisière jaune, une carte de l’itinéraire prévu est envoyée à l’ensemble des concessions Citroën de l’Hexagone, afin de permettre au grand public de pouvoir suivre sa progression. (Illustration : Citroën Communication / Wikimédia Commons)

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La Croisière jaune Citroën, mission Centre-Asie, s’élance le 4 avril 1931 de Beyrouth. (Illustration : Le Monde colonial illustré / Wikimédia Commons)

Une préparation minutieuse

Comme lors des deux précédentes missions, la direction des opérations a été confiée à Georges-Marie Haardt, ingénieur de formation et proche d’André Citroën, assisté de Louis Audouin-Dubreuil, un ancien officier de l’armée française.

Rien n’a été laissé au hasard, et il faut plus de deux ans pour préparer ce voyage au long cours. Les véhicules ont été testés au cours de l’hiver 1929-1930 dans les Cévennes et leurs Causses, offrant des paysages et des conditions similaires à celles des contrées d’Asie Centrale, traversées par l’expédition.

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Le véhicule de commandement de Georges-Marie Haardt, baptisée le « Scarabée d’or », à l’essai dans les Causses des Cévennes, en 1929. (Photo : Citroën Communication)

Il faut aussi étudier et bien choisir l’itinéraire, en faire une reconnaissance préalable et obtenir toutes les autorisations nécessaires, un travail diplomatique afin de pouvoir traverser les différents états, mais aussi pour avoir le droit d’installer des campements et des points de ravitaillement le long du parcours. La première déconvenue vient de l’URSS, qui refuse que la caravane Citroën ne traverse le Turkestan, où sévit la famine. Les autorités soviétiques ont peur que le raid automobile serve de prétexte à une mission d’espionnage.

C’est le premier coup dur pour Haardt et son équipe, car le Turkestan est le seul chemin possible pour contourner l’Himalaya. Pour faciliter la réussite de ce défi, il est décidé de scinder l’expédition en deux.

Une première équipe, baptisée groupe Pamir, s’élancera de Beyrouth en direction de l’ouest, tandis qu’une seconde équipe, le groupe Chine, partira de Pékin pour rouler plein est, à la rencontre de ses collègues. Nouveau problème diplomatique : le gouvernement nationaliste chinois de Tchang Kaï-chek refuse dans un premier temps de laisser passer les véhicules français à travers son territoire. Pour lever cette interdiction, Victor Point, ancien officier de Marine à qui Haardt a confié la tête du groupe Chine, a dû accepter d’embarquer des scientifiques chinois, et s’engager à ce que son équipe ne réalise pas de fouilles archéologiques ni de relevés topographiques.

Médiatisation internationale

La Croisière jaune est l’expédition la plus médiatisée des aventures Citroën. La date du départ n’a pas été choisie au hasard, elle a lieu six semaines avant l’ouverture officielle de l’Exposition coloniale de Paris. Un moyen de renforcer l’attrait et la fascination du public pour ce long voyage sur la route de la Soie, dans les pas d’Alexandre Le Grand et de Marco Polo.

Pour relater l’épopée des voitures Citroën, deux journalistes accompagnent également l’expédition : le Français Georges Le Fèvre pour le compte du journal illustré L’Illustration, et l’Américain Maynard Owen Williams, envoyé spécial du magazine National Geographic.

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L’expédition a une visée marketing, elle a pour but de vanter les mérites des véhicules de la marque aux chevrons. L’idée d’André Citroën est de prouver la fiabilité des autochenilles développées par ses ingénieurs, même dans des conditions extrêmes. (Photo : Herranders Svensson / Wikimédia Commons)

Fin mars 1931, les deux équipes sont arrivées à leur camp de base : la première à Beyrouth, la seconde à Pékin. Le groupe Pamir quitte donc le Liban le 4 avril 1931, direction la Syrie. Deux jours plus tard, les huit autochenilles arrivent en vue de Damas ; le 16 avril, les véhicules atteignent Bagdad en Irak, où les membres de l’expédition sont reçus par le roi Fayçal. Douze jours plus tard, c’est à Téhéran en Iran que le groupe Pamir fait escale, avant de repartir le 5 mai 1931.

Georges Le Fèvre écrit : « De Beyrouth, porte française de l’Asie méditerranéenne, jusqu’à Mashhad [nord-est de l’Iran], la ville sainte aux coupoles d’or pur, les compteurs de nos voitures ont totalisé 3 100 km. Mais les distances chiffrées n’ont déjà plus de sens ici car, à mesure que nous avançons dans l’espace, il nous semble reculer dans le temps. En quelques semaines, nous sommes passés du climat méditerranéen au climat désertique, puis à une chaleur tropicale à laquelle ont succédé les vents froids du plateau iranien. Tels sont les 1 000 visages de cette Asie occidentale, vestibule accueillant de l’Asie moyenne, déjà plus mystérieuse, dont nous allons demain franchir le seuil. »

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Au-delà des objectifs marketing, la Croisière Jaune a aussi des visées ethnographiques et géographiques, afin de documenter les pays traversés et les coutumes de leurs habitants. (Photo : Citroën Communication)

Traversée par l’Himalaya

Le groupe Pamir passe en effet la frontière de l’Afghanistan, direction Kandahar, puis remonte vers le nord-ouest. Haardt et ses hommes passent par des chemins de moins en moins praticables. Les véhicules doivent traverser des rivières sans ponts, et des pistes de plus en plus sinueuses. Le convoi découvre les bouddhas géants de la vallée de Bamiyan – ceux-là mêmes que les Talibans détruiront en 2001 – que les opérateurs de la Pathé, embarqués dans l’aventure, immortalisent sur leur pellicule.

Après un mois de traversée de l’Afghanistan, le groupe Pamir arrive à Srïnagar, la capitale du Cachemire. C’est de là, au pied de l’Himalaya, que l’équipage prépare méthodiquement la redoutable traversée de la plus haute chaîne de montagnes au monde. Les choses se corsent, d’autant plus que les nouvelles – sporadiques – du groupe Chine ne sont pas bonnes. Victor Point tente de tenir informé le chef de l’expédition de la progression de son équipe. Mais les autorités chinoises ont confisqué le matériel radio et le Français doit ruser pour pouvoir envoyer des messages. Le 25 juin 1931, il envoie depuis la province du Xijiang : « Avons rencontré sérieuses batailles entre troupes chinoises et Mahométans [les musulmans ouïghours] révoltés, rend progression compliquée… »

De son côté, le groupe Pamir continue sa progression et entame l’ascension du col de Burzil, situé à 4 132 m d’altitude, avec des pentes frôlant à certains endroits les 40 %. Les habitants de la région déconseillent aux explorateurs français d’aller plus loin, mais Georges-Marie Haardt s’obstine et décide de tenter malgré tout la traversée avec les deux autochenilles les plus légères. La neige s’invite, et il faut parfois déneiger à la main devant les véhicules pour leur offrir l’adhérence minimum. La colonne n’avance guère à plus de 1 km/h, comme le relate Georges Le Fèvre : « La principale difficulté réside dans l’étroitesse des pistes. Il existe quelque part un passage qui n’a que 4 pieds de largeur (1,42 m) alors que les deux voitures qu’on veut faire passer ont un empattement de 1,60 m. »

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Les véhicules du groupe Pamir au cours de l’ascension du col de Burzil, culminant à 4 200 mètres. (Photo : Le Monde colonial illustré / Wikimédia Commons)

Après cet exploit, un autre défi de taille s’offre à eux : le col de Ghilghit, qui culmine à près de 5 000 mètres, et dont une partie de la piste a été emportée par les éboulements, provoqués par les pluies torrentielles de ces derniers jours. Plus d’autre solution que de démonter les autochenilles, qui sont transportées à dos d’hommes et de mulets, ainsi que les 10 tonnes de matériel des 23 Européens du groupe Pamir, sans compter le matériel cinématographique et scientifique. Plus d’une centaine de porteurs et plusieurs dizaines de mules sont nécessaires pour pallier l’abandon de six véhicules.

Le groupe Chine aux arrêts

Le 27 juillet 1931, le groupe Pamir, qui a entamé l’ascension du Ghilghit, capte enfin des nouvelles de leurs homologues du groupe Chine, qu’ils sont censés rejoindre de l’autre côté de la montagne. Victor Point a réussi à informer Haardt du sort que leur a réservé le maréchal King Shu-jen, gouverneur de la province du Xijiang : l’équipe française est emprisonnée à Ouroumtsi. Le maréchal a annulé le sauf-conduit accordé par les autorités de Pékin au début de l’expédition, sous le motif que « des scènes de combats offensantes pour la dignité chinoise » ont été filmées et photographiées.

La raison officieuse est tout autre. Pékin avait promis à son représentant dans le Xijiang des auto-mitrailleuses afin de combattre les insurgés musulmans. Ne voyant pas ses véhicules arriver, il désire réquisitionner les autochenilles de l’expédition Citroën, ce que refuse Victor Point.

Apprenant la nouvelle, Georges-Marie Haardt hésite quant à la marche à suivre : changer d’itinéraire ? Voir le groupe Chine rebrousser chemin ? Attendre de nouveaux véhicules ? Passer par le cœur des Indes ? Cette hypothèse ne réjouit guère le journaliste Georges Le Fèvre, car cette région a déjà fait l’objet de nombreuses expéditions, offrant une bonne connaissance de ce territoire.

Poursuivre ainsi le voyage serait alors moins intéressant que d’emprunter des zones inexplorées, à l’image de celles qu’ils ont déjà traversées. Le chef de l’expédition décide de mettre un point final à l’aventure de la mission Centre-Asie Citroën dans le village de Ghilghit. La marque est déjà entrée dans l’histoire en ayant réussi le passage de ce dernier col. Alors que la première autochenille est laissée sur place pour attester de l’exploit réalisé, l’autre véhicule fait demi-tour afin de rentrer en France

Une partie de l’équipe Pamir continue, elle, sa progression à l’est, mais sur des chevaux. L’objectif : venir en aide au groupe Chine et réaliser la jonction au cœur de la province du Xijiang. Mais le fameux maréchal King refuse toujours à Haardt et ses hommes l’autorisation d’entrer sur le territoire chinois

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Après plusieurs mois de séparation, les deux groupes se retrouvent à Ouroumtsi, capitale du Xijiang. (Photo : Alexandre Yakovlev / Wikimédia Commons)

L’explorateur français use de ses relations pour démêler cet imbroglio diplomatique, en faisant appel directement aux autorités de Nankin, qui leur donne finalement le feu vert. Le groupe Pamir relie Ouroumtsi, où Haardt négocie la libération de ses hommes, avant que tous ne poursuivent leur périple à travers le territoire chinois. Ils atteignent finalement Pékin le 12 février 1932 après 315 jours et 12 000 kilomètres.

Une fin tragique

Mais l’expédition ne s’arrête pas là. Georges-Marie Haardt veut boucler la mission en revenant par Hong Kong, la Birmanie, l’Inde et l’Iran.

L’équipe reçoit en mars 1932 trois nouvelles voitures, mieux adaptées aux terrains à venir. Hélas, l’affaire tourne au tragique, avec la mort de Haardt qui succombe à une pneumonie à Hong Kong, le 16 mars 1932.

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Les membres de l’expédition viennent d’apprendre la mort de leur chef Georges-Marie Haardt, qui a succombé à une pneumonie, le 16 mars 1932, à Hong Kong. Son décès marque la fin de la Croisière Jaune. (Photo : Citroën Communication)

Apprenant la mort de son ami, André Citroën envoie ce message au reste de l’équipe : « Ramenez en France le corps de celui que je pleure avec vous. L’homme est mort, mais l’œuvre reste… »

Une œuvre qui permet à la marque aux Chevrons d’entrer dans la légende de l’automobile, engendrant des retombées médiatiques et publicitaires extraordinaires. Ces dernières sont décuplées par le film documentaire sorti en 1934 en Europe et aux États-Unis, nourrissant l’imaginaire des petits et des grands, tout en vantant la gloire des véhicules Citroën…

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Les images tournées par les opérateurs cinéastes de la Pathé au cours de l’expédition vont renforcer la légende de la Croisière jaune auprès du grand public. (Illustration : Histoire Image / Wikimédia Commons)

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