Infirmière, un métier aux origines méconnues

Correspondance, Gautier DEMOUVEAUX

La plupart du temps accordé au féminin, le métier d’infirmière est au cœur de l’actualité avec la pandémie de coronavirus. L’occasion de redécouvrir cette profession multiséculaire, à un moment où les infirmières sont en première ligne dans les hôpitaux et applaudies tous les soirs avec l’ensemble des personnels de santé.

« C’est l’enfer en ce moment aux urgences ! » Ce genre de témoignages d’infirmières a fleuri au cours du mois d’avril dans les hôpitaux du Grand Est et d’Île-de-France, lorsque la première vague de la pandémie de coronavirus a déferlé.

Un enfer que côtoie cette profession depuis les origines de la civilisation, révèle l’historien Michel Nadot : « Sur un plan étymologique, le terme « infirmier » vient de l’ancien français enfermerier, qui indique que celui ou celle qui porte ce nom se confronte habituellement, et par métier, à ce qui se rapporte à l’enfer. Déjà, au Moyen-Âge, on peut voir le terme utilisé dans les statuts hiérarchiques de l’Ordre des hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. »


Pour les médecins chrétiens, la maladie est avant tout un désordre moral. Ainsi, la maladie serait apparue parmi les hommes à la suite du péché originel. Chaque malade est un pécheur qui expie une faute. La maladie devient alors une voie de rédemption, une épreuve morale. (Illustration : Wikimédia)

Mais ce lien entre la maladie et l’enfer serait bien plus ancien que ces références chrétiennes, poursuit l’historien : « Cela est mis en évidence chez les Sumériens et Babyloniens dès le IIIe millénaire avant notre ère. Pour les peuples anciens, le mal est considéré comme une réalité matérielle apportée du dehors (l’Enfer) par les « démons » et déposée dans le corps du malade, ce dernier étant puni par son dieu pour l’avoir offensé, explique-t-il. Le principe est ensuite repris par la théologie chrétienne médiévale, qui ne fait que poursuivre cette conceptualisation du monde des soins et de l’humain dans ses rapports à Dieu, avec la maladie et l’enfer, lieu de séjour des damnés. »

Une vocation plus qu’un métier

Pendant longtemps, il a été impossible de séparer la dimension religieuse de l’activité d’infirmier, qui est le garde de la maladie, cette dernière étant représentée par le démon et l’enfer. D’abord masculin, le métier se féminise au fil des siècles, et ce sont les religieuses qui se voient principalement attribuer cette fonction.


Au fil des siècles, apparaissent les congrégations hospitalières. Très vite, la société confie aux religieuses le rôle d’infirmière, littéralement de « gardienne de la maladie », c’est-à-dire de l’enfer, tous les maux ayant une connotation démoniaque. (Illustration : Wikimédia)

Face aux malades, les infirmières sont encouragées à combattre certaines maladies (comme les pathologies mentales), jugées comme démoniaques, avec des prières thérapeutiques et des onctions d’huile sainte ou d’eau bénite.

Même pour les autres maux, comme « les plaies qui fourmillent de vers ou à travers la puanteur qui sort du corps humain », explicite la Règle des hospitalières de Sainte-Marthe de Beaune en 1784 à l’hôpital de Fribourg, le corps en lui-même est alors considéré comme un réceptacle du diable. Face à cela, le dévouement consenti de l’infirmière est une sorte de sacrifice pour assurer sa place au paradis.

« Les religieuses sont donc les seules à être légitimement et culturellement des infirmières, précise Michel Nadot. Leur retrait du monde, leurs activités spirituelles et les vœux qu’elles formulent confèrent un sens spécifique à leurs actions. » Et cette vision religieuse de l’infirmière va perdurer jusqu’au début du XIXe siècle.

Laïcisation et professionnalisation de la profession

Les principes édictés au Moyen-Âge n’ont plus rien à voir avec le métier d’infirmière tel qu’il est pratiqué aujourd’hui. « Le bénéfice de l’action est spirituel et céleste chez la sœur infirmière, poursuit l’historien. Il est économique et terrestre chez la garde-malade ou la soignante d’aujourd’hui que l’on nomme linguistiquement à tort infirmière. »

Cette vision moderne apparaît grâce à deux femmes qui vont révolutionner la pratique : Florence Nightingale et Valérie de Gasparin-Boissier. La première est anglaise. À la tête d’une équipe d’infirmières dans un hôpital de campagne durant la guerre de Crimée en 1854, Nightingale marque les esprits de son époque en réussissant à faire passer le taux de mortalité de 40 à 2 % en imposant une meilleure hygiène dans les camps


L’Anglaise Florence Nightingale va révolutionner la profession après la guerre de Crimée, en 1854, en s’appuyant sur la statistique afin d’améliorer l’organisation de l’hôpital et le sort des blessés. Elle pose les premières bases scientifiques du métier. (Illustration : Wikimédia)

S’appuyant sur la statistique, cette aristocrate pose les bases des sciences infirmières, tout en n’oubliant pas le côté humain du métier. Celle qu’on surnomme alors « la dame à la lampe » n’hésite pas à rendre visite aux malades, et devient une véritable héroïne à son retour à Londres.

Si Florence Nightingale reste profondément attachée à l’aspect religieux de la profession et à l’idée de vocation, sa contemporaine suisse Valérie de Gasparin-Boissier va, elle, proposer une véritable formation laïque : « Elle crée une école de soins indépendante de toute structure hospitalière le 1er novembre 1859 à Lausanne, note Michel Nadot. Avec une expérience de soins mais sans expérience en milieu hospitalier, elle veut donner une formation aux femmes ordinaires qui n’ont pas envie de se retirer du monde pour devenir sœurs et qui veulent soigner à domicile selon une pratique libérale. »


Autre femme incontournable, la Suissesse Valérie de Gasparin-Boissier, qui laïcise la profession et crée en 1859 à Lausanne la première École normale d’infirmières, dispensant une vraie formation initiale, alors que jusque-là les soignantes apprenaient le métier au fil des expériences à hôpital. (Photo : Wikimédia)

Pour Valérie de Gasparin-Boissier, les infirmières ont avant tout besoin d’une bonne formation et d’un salaire décent. « On est donc loin de toute idée de dévouement et vocation ! Avec la mise en place de cette école modèle baptisée La Source, elle fonde surtout une lignée d’écoles laïques, dont certaines aujourd’hui sont des facultés universitaires ou des Hautes Écoles en sciences infirmières. »

Un rôle charnière dans l’organisation du système de santé

La vision de Valérie de Gasparin est celle qui se rapproche le plus du métier d’infirmière tel qu’on le connaît aujourd’hui et tel qu’il est enseigné dans les écoles.

« Pourtant, la représentation de la profession, encore aujourd’hui, oscille entre l’image véhiculée par la circulaire du 28 octobre 1902 d’Émile Combe, alors ministre de l’Intérieur et des Cultes, qui décrit l’infirmière comme « la collaboratrice disciplinée, mais intelligente, du médecin et du chirurgien » et « l’ange des malades » lié au dévouement inspiré par les congrégations religieuses et l’imagerie populaire », complète l’historien.

Car les missions des infirmières vont bien au-delà des seuls soins aux malades. Faisant le lien entre les patients et les médecins, elles représentent un maillon indispensable auprès du reste du corps médical et du système de santé lui-même, dans l’organisation et la prise en charge des soins. Un rôle indispensable mais bien souvent ignoré ou minoré, pour un personnel bien souvent mal payé.

La crise du Covid-19 va-t-elle permettre de revaloriser ce métier de l’ombre ? Rien n’est moins sûr, estime Michel Nadot : « Les applaudissements quotidiens le soir en hommage à leur travail face à la crise sanitaire me font penser à l’iconographie symbolique des cartes postales à l’effigie de l’infirmière qui circulaient dans l’espace social durant la guerre 14-18. Après la catastrophe, les conditions de travail sont restées les mêmes… »


Pendant la Première Guerre mondiale, les infirmières, surnommées « les anges blancs », sont représentées comme dévouées et compatissantes. Elles occupent les cartes postales de propagande, une image d’Épinal qui marque profondément l’opinion publique. (Photo : domaine public)

ouest france

1919 SOUVENIR d'INFIMIERES de la CROIX ROUGE fabriquant des masques lors de la PANDEMIE GRIPPALE dite " GRIPPE ESPAGNOLE" Hier comme aujourd'hui vous êtes un exemple pour notre pays! Proposé par ANNICK BNHL

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Premier maître Ekaterina Demina (18 ans sur la photo). 1943. 369eme bataillon de fusilier-Marin. Infirmiere-Ambulancière. Elle fut blessée trois fois pendant les combats.

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Ekaterina_Mikhailova-Demina?fbclid=IwAR0hU9WWBqVuxxX0Eqr_ioECG7AXcBrcsSFZ76j_UNZ3RnRLlpUvW0wU_2M

1918 SOUVENIR du personnel soignant d'un hopital pendant l'épidémie de GRIPPE ESPAGNOLE aux ETATS UNIS. l Comme pour notre époque LE MASQUE est le seul rempart face à la maladie! Proposé par ANNICK BNHL

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