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Tour de France. « J’étais leur samaritain » : le chauffeur de la voiture-balai livre ses anecdotes
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Tour de France. « J’étais leur samaritain » : le chauffeur de la voiture-balai livre ses anecdotes
Pendant quinze ans, Alain Daniel, dit « Le Gaulois », a fermé le peloton, du haut de sa voiture-balai. Obligé d’être placé derrière le dernier de la course à tout instant, il a vu des coureurs souffrir, pleurer, s’arracher. Il en a remotivé beaucoup, parfois laissé pleurer certains à l’arrière. Il se rappelle, sans fards.
Entretien.
Ne demandez pas Alain Daniel si vous traînez sur le Tour de France. « Demandez le Gaulois. Les gens m’appellent comme ça. On m’a aussi, dans les médias, appelé le croque-mort. » Pourquoi appeler cet ancien très bon coureur de cyclo-cross, 64 ans, croque-mort dans une course de vélo ?
Ne demandez pas Alain Daniel si vous traînez sur le Tour de France. « Demandez le Gaulois. Les gens m’appellent comme ça. On m’a aussi, dans les médias, appelé le croque-mort. » Pourquoi appeler cet ancien très bon coureur de cyclo-cross, 64 ans, croque-mort dans une course de vélo ?
Parce que pendant quinze ans (il fera cette année son 30e Tour dans un autre rôle, à l’avant), Alain Daniel a conduit la voiture-balai (qui ressemble plus à une fourgonnette qu’une berline), celle qui ferme le cortège. Là-bas, souvent loin des caméras, loin de ceux qui s’écharpent pour gagner, loin de la caravane et du point névralgique de la course se nouent des drames, des histoires. Le Normand a vu ça « devant le pare-brise ». Un vainqueur de Paris-Roubaix qui s’effondre en larmes, un coureur lâché seul qu’il encourage pendant 160 bornes, un autre malade qu’il attend du ravin, des coureurs qui font des vagues pour chercher les poussettes des spectateurs… Au départ, Prolongation voulait son éclairage sur le gruppetto, ce groupe de lâchés qu’il a eu si souvent devant les yeux. Puis on s’est laissé emporter par la voiture-balai…
Alain Daniel, comme vous avez été dans la voiture-balai pendant quinze ans, on voulait votre regard sur le gruppetto : qui est-il, comment fonctionne-t-il…
Ah oui, il s’en passe des choses à l’arrière… Le Tour de France n’a pas le temps pour les blessés, les malades, ceux qui ont un jour sans. Déjà, il faut savoir qu’il y avait un commissaire avec moi dans la voiture-balai. Il s’assurait que le règlement était respecté, qu’il n’y avait pas de bidon-collé, de petite aide extérieur… Mais parfois, il y avait un côté strict, règlement à la con.
Pour décrire le gruppetto, je dirais que c’est un regroupement de coureurs dont le profil ne convient pas à l’étape, avec parfois quelques coureurs malades ou blessés. Et l’idée, c’est de collaborer, de jouer avec les délais pour arriver tous ensemble et s’entraider pour franchir la ligne. Les coureurs savent que s’ils sont nombreux, près de 40 % du peloton, il y a une chance pour qu’ils soient repêchés par les commissaires. Alors ils montent les bosses tranquilles, et bossent dur dans la plaine et en descente. Mais le côté entraide, c’était surtout avant.
« À l’image d’un Jacky Durand, avant, il y avait un leader du gruppetto »
C’est-à-dire ?
À l’image d’un Jacky Durand, avant, il y avait un leader du gruppetto. Quelqu’un qui gérait les délais et organisait tout ça, le tempo, donnait les consignes… Il y avait une vie, ça s’attendait pour se regrouper, il y avait un état d’esprit. Aujourd’hui, ils ont leur oreillette, c’est à peine si certains disent bonjour. Ils se filent à boire, à la limite.
Ne demandez pas Alain Daniel si vous traînez sur le Tour de France. « Demandez le Gaulois. Les gens m’appellent comme ça. On m’a aussi, dans les médias, appelé le croque-mort. » Pourquoi appeler cet ancien très bon coureur de cyclo-cross, 64 ans, croque-mort dans une course de vélo ?
Parce que pendant quinze ans (il fera cette année son 30e Tour dans un autre rôle, à l’avant), Alain Daniel a conduit la voiture-balai (qui ressemble plus à une fourgonnette qu’une berline), celle qui ferme le cortège. Là-bas, souvent loin des caméras, loin de ceux qui s’écharpent pour gagner, loin de la caravane et du point névralgique de la course se nouent des drames, des histoires. Le Normand a vu ça « devant le pare-brise ». Un vainqueur de Paris-Roubaix qui s’effondre en larmes, un coureur lâché seul qu’il encourage pendant 160 bornes, un autre malade qu’il attend du ravin, des coureurs qui font des vagues pour chercher les poussettes des spectateurs… Au départ, Prolongation voulait son éclairage sur le gruppetto, ce groupe de lâchés qu’il a eu si souvent devant les yeux. Puis on s’est laissé emporter par la voiture-balai…
[La fameuse voiture balai du Tour de France.]
La fameuse voiture balai du Tour de France. | ARCHIVES
LIRE AUSSI. Tour de France. Après l’étape dantesque de Tignes, plongée au cœur du gruppetto
Alain Daniel, comme vous avez été dans la voiture-balai pendant quinze ans, on voulait votre regard sur le gruppetto : qui est-il, comment fonctionne-t-il…
Ah oui, il s’en passe des choses à l’arrière… Le Tour de France n’a pas le temps pour les blessés, les malades, ceux qui ont un jour sans. Déjà, il faut savoir qu’il y avait un commissaire avec moi dans la voiture-balai. Il s’assurait que le règlement était respecté, qu’il n’y avait pas de bidon-collé, de petite aide extérieur… Mais parfois, il y avait un côté strict, règlement à la con.
Pour décrire le gruppetto, je dirais que c’est un regroupement de coureurs dont le profil ne convient pas à l’étape, avec parfois quelques coureurs malades ou blessés. Et l’idée, c’est de collaborer, de jouer avec les délais pour arriver tous ensemble et s’entraider pour franchir la ligne. Les coureurs savent que s’ils sont nombreux, près de 40 % du peloton, il y a une chance pour qu’ils soient repêchés par les commissaires. Alors ils montent les bosses tranquilles, et bossent dur dans la plaine et en descente. Mais le côté entraide, c’était surtout avant.
« À l’image d’un Jacky Durand, avant, il y avait un leader du gruppetto »
C’est-à-dire ?
À l’image d’un Jacky Durand, avant, il y avait un leader du gruppetto. Quelqu’un qui gérait les délais et organisait tout ça, le tempo, donnait les consignes… Il y avait une vie, ça s’attendait pour se regrouper, il y avait un état d’esprit. Aujourd’hui, ils ont leur oreillette, c’est à peine si certains disent bonjour. Ils se filent à boire, à la limite.
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Est-ce qu’il y en a qui profitent de l’absence des caméras ?
C’est de moins en moins le cas. Et il y a un commissaire, toujours. Mais disons que j’ai vu de grands spécialistes de la poussette. Certains faisaient de grands zig-zag pour se laisser pousser par le public et les spectateurs. Je ne vais pas donner de noms (rires). Parce que l’ambiance est plus détendue derrière, les spectateurs ont plus le temps de voir les coureurs passer dans le grupetto.
Quel était votre rôle dans tout ça ?
Moi ? D’abord, je leur donnais les délais. Au bout de 30 minutes, je les connaissais à peu près. Je leur donnais des conseils, je leur disais de ne pas abandonner, de s’accrocher, que l’étape du lendemain allait être simple… Au fil des années, les coureurs les plus en difficulté, entre guillemets, je les connaissais bien. Déjà, dès les premières étapes de montagne, au premier regard on savait qu’on allait passer pas mal de temps ensemble. Et quand on se croisait un an après, ils m’embrassaient. Ce sont des moments durs, parfois, dans le gruppetto.
Vous pouviez les aider autrement que par les mots ?
J’avais une glacière, des bidons, des pédales, des roues… Les directeurs sportifs venaient me donner du matériel. Je dépannais pas mal, les équipes me remerciaient le soir. J’étais leur samaritain, j’avais toujours quelque chose pour eux. Mais il y avait beaucoup de paroles, c’est vrai. Il fallait toujours trouver quelque chose pour ne pas qu’ils gambergent. C’est dur, le Tour de France ! Je leur disais toujours qu’eux aussi étaient des champions.
« David Millar seul dans la Madeleine, ça m’a beaucoup marqué »
Il y a des coureurs, des moments qui vous ont marqué plus que d’autres ?
Il y en a beaucoup… J’ai l’exemple de David Millar en tête. Il était blessé et il y avait une étape de montagne à disputer. Il est rapidement dernier, et il n’arrive pas à se greffer au gruppetto. J’étais persuadé qu’il allait abandonner, il ne voulait pas de bidon, rien… Son directeur sportif m’a tout filé pour lui. Et à un moment, il a accepté un bidon. Et il s’est fait 180 bornes tout seul, avec le col de la Madeleine pour finir. Il termine tout juste dans les délais, mais j’ai passé la journée derrière lui, c’était impressionnant. Le soir, je vais rendre les roues à son DS, il me demande de passer au bus. Je n’y vais pas. Le lendemain matin, je finis par accepter. David Millar me salue, et il m’offre son maillot. Il n’était pas obligé. La classe, un bon mec.
Ça crée des liens, d’être en difficulté, finalement…
Oui, c’est vrai. Jens Voigt m’a appelé M. Mavic (marque de vélo) pendant quatre, cinq ans. On fait la descente, ça va vite. Et là je vois un coureur qui sort du ravin. Jens Voigt. Il y avait une histoire de cale-pied sur le vélo, mais je n’avais pas de vélo pour lui, juste un Mavic, qui ne lui convenait pas tant que ça. Mais ça lui a permis de finir l’étape, même s’il a fini mal en point les 25 dernières bornes. Il y a une vraie vie loin du peloton…
Avec toute sa dramaturgie…
Oui, forcément. Un des pires moments, c’est quand j’ai dû prendre Magnus Backstead, vainqueur de Paris-Roubaix, quand même, dans la voiture-balai. Il était très grand, costaud… Et il pleurait beaucoup. Ça faisait bizarre. Il était incapable de continuer, inconsolable.
Quand vous les récupérez, ça veut dire que le Tour est fini pour eux. Quelle était l’attitude de ceux qui abandonnaient ?
Il y en a pour qui il y avait du soulagement. Certains qui parlaient, faisaient des blagues directement, on sentait qu’un poids s’était enlevé. Et d’autres qui se tournaient sur le côté et chialaient. J’essayais de jauger, d’être humain. Mon but était de tout faire pour les aider à arriver à Paris. J’en ai vu des choses…
Des moments drôles ?
Certains oui, je ne peux pas tous les raconter. Mais j’ai déjà dû attendre un coureur qui avait des problèmes gastriques et avait couru dans une caravane. Il était très malade, J’ai insisté auprès de son directeur sportif pour qu’il vienne lui donner un bidon. Même le commissaire était d’accord. Il fallait qu’il recolle au gruppetto, ce n’est pas de sa faute s’il est malade… On a quand même le droit d’être mal une journée. J’en ai sauvé quelques-uns, c’est aussi pour ça que j’ai de bonnes relations avec les coureurs. Il faut être humain, c’est dur le Tour de France. Je le redis, mais ce sont tous des champions.
ouest france
Entretien.
Ne demandez pas Alain Daniel si vous traînez sur le Tour de France. « Demandez le Gaulois. Les gens m’appellent comme ça. On m’a aussi, dans les médias, appelé le croque-mort. » Pourquoi appeler cet ancien très bon coureur de cyclo-cross, 64 ans, croque-mort dans une course de vélo ?
Ne demandez pas Alain Daniel si vous traînez sur le Tour de France. « Demandez le Gaulois. Les gens m’appellent comme ça. On m’a aussi, dans les médias, appelé le croque-mort. » Pourquoi appeler cet ancien très bon coureur de cyclo-cross, 64 ans, croque-mort dans une course de vélo ?
Parce que pendant quinze ans (il fera cette année son 30e Tour dans un autre rôle, à l’avant), Alain Daniel a conduit la voiture-balai (qui ressemble plus à une fourgonnette qu’une berline), celle qui ferme le cortège. Là-bas, souvent loin des caméras, loin de ceux qui s’écharpent pour gagner, loin de la caravane et du point névralgique de la course se nouent des drames, des histoires. Le Normand a vu ça « devant le pare-brise ». Un vainqueur de Paris-Roubaix qui s’effondre en larmes, un coureur lâché seul qu’il encourage pendant 160 bornes, un autre malade qu’il attend du ravin, des coureurs qui font des vagues pour chercher les poussettes des spectateurs… Au départ, Prolongation voulait son éclairage sur le gruppetto, ce groupe de lâchés qu’il a eu si souvent devant les yeux. Puis on s’est laissé emporter par la voiture-balai…
Alain Daniel, comme vous avez été dans la voiture-balai pendant quinze ans, on voulait votre regard sur le gruppetto : qui est-il, comment fonctionne-t-il…
Ah oui, il s’en passe des choses à l’arrière… Le Tour de France n’a pas le temps pour les blessés, les malades, ceux qui ont un jour sans. Déjà, il faut savoir qu’il y avait un commissaire avec moi dans la voiture-balai. Il s’assurait que le règlement était respecté, qu’il n’y avait pas de bidon-collé, de petite aide extérieur… Mais parfois, il y avait un côté strict, règlement à la con.
Pour décrire le gruppetto, je dirais que c’est un regroupement de coureurs dont le profil ne convient pas à l’étape, avec parfois quelques coureurs malades ou blessés. Et l’idée, c’est de collaborer, de jouer avec les délais pour arriver tous ensemble et s’entraider pour franchir la ligne. Les coureurs savent que s’ils sont nombreux, près de 40 % du peloton, il y a une chance pour qu’ils soient repêchés par les commissaires. Alors ils montent les bosses tranquilles, et bossent dur dans la plaine et en descente. Mais le côté entraide, c’était surtout avant.
« À l’image d’un Jacky Durand, avant, il y avait un leader du gruppetto »
C’est-à-dire ?
À l’image d’un Jacky Durand, avant, il y avait un leader du gruppetto. Quelqu’un qui gérait les délais et organisait tout ça, le tempo, donnait les consignes… Il y avait une vie, ça s’attendait pour se regrouper, il y avait un état d’esprit. Aujourd’hui, ils ont leur oreillette, c’est à peine si certains disent bonjour. Ils se filent à boire, à la limite.
Ne demandez pas Alain Daniel si vous traînez sur le Tour de France. « Demandez le Gaulois. Les gens m’appellent comme ça. On m’a aussi, dans les médias, appelé le croque-mort. » Pourquoi appeler cet ancien très bon coureur de cyclo-cross, 64 ans, croque-mort dans une course de vélo ?
Parce que pendant quinze ans (il fera cette année son 30e Tour dans un autre rôle, à l’avant), Alain Daniel a conduit la voiture-balai (qui ressemble plus à une fourgonnette qu’une berline), celle qui ferme le cortège. Là-bas, souvent loin des caméras, loin de ceux qui s’écharpent pour gagner, loin de la caravane et du point névralgique de la course se nouent des drames, des histoires. Le Normand a vu ça « devant le pare-brise ». Un vainqueur de Paris-Roubaix qui s’effondre en larmes, un coureur lâché seul qu’il encourage pendant 160 bornes, un autre malade qu’il attend du ravin, des coureurs qui font des vagues pour chercher les poussettes des spectateurs… Au départ, Prolongation voulait son éclairage sur le gruppetto, ce groupe de lâchés qu’il a eu si souvent devant les yeux. Puis on s’est laissé emporter par la voiture-balai…
[La fameuse voiture balai du Tour de France.]
La fameuse voiture balai du Tour de France. | ARCHIVES
LIRE AUSSI. Tour de France. Après l’étape dantesque de Tignes, plongée au cœur du gruppetto
Alain Daniel, comme vous avez été dans la voiture-balai pendant quinze ans, on voulait votre regard sur le gruppetto : qui est-il, comment fonctionne-t-il…
Ah oui, il s’en passe des choses à l’arrière… Le Tour de France n’a pas le temps pour les blessés, les malades, ceux qui ont un jour sans. Déjà, il faut savoir qu’il y avait un commissaire avec moi dans la voiture-balai. Il s’assurait que le règlement était respecté, qu’il n’y avait pas de bidon-collé, de petite aide extérieur… Mais parfois, il y avait un côté strict, règlement à la con.
Pour décrire le gruppetto, je dirais que c’est un regroupement de coureurs dont le profil ne convient pas à l’étape, avec parfois quelques coureurs malades ou blessés. Et l’idée, c’est de collaborer, de jouer avec les délais pour arriver tous ensemble et s’entraider pour franchir la ligne. Les coureurs savent que s’ils sont nombreux, près de 40 % du peloton, il y a une chance pour qu’ils soient repêchés par les commissaires. Alors ils montent les bosses tranquilles, et bossent dur dans la plaine et en descente. Mais le côté entraide, c’était surtout avant.
« À l’image d’un Jacky Durand, avant, il y avait un leader du gruppetto »
C’est-à-dire ?
À l’image d’un Jacky Durand, avant, il y avait un leader du gruppetto. Quelqu’un qui gérait les délais et organisait tout ça, le tempo, donnait les consignes… Il y avait une vie, ça s’attendait pour se regrouper, il y avait un état d’esprit. Aujourd’hui, ils ont leur oreillette, c’est à peine si certains disent bonjour. Ils se filent à boire, à la limite.
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C’est de moins en moins le cas. Et il y a un commissaire, toujours. Mais disons que j’ai vu de grands spécialistes de la poussette. Certains faisaient de grands zig-zag pour se laisser pousser par le public et les spectateurs. Je ne vais pas donner de noms (rires). Parce que l’ambiance est plus détendue derrière, les spectateurs ont plus le temps de voir les coureurs passer dans le grupetto.
Quel était votre rôle dans tout ça ?
Moi ? D’abord, je leur donnais les délais. Au bout de 30 minutes, je les connaissais à peu près. Je leur donnais des conseils, je leur disais de ne pas abandonner, de s’accrocher, que l’étape du lendemain allait être simple… Au fil des années, les coureurs les plus en difficulté, entre guillemets, je les connaissais bien. Déjà, dès les premières étapes de montagne, au premier regard on savait qu’on allait passer pas mal de temps ensemble. Et quand on se croisait un an après, ils m’embrassaient. Ce sont des moments durs, parfois, dans le gruppetto.
Vous pouviez les aider autrement que par les mots ?
J’avais une glacière, des bidons, des pédales, des roues… Les directeurs sportifs venaient me donner du matériel. Je dépannais pas mal, les équipes me remerciaient le soir. J’étais leur samaritain, j’avais toujours quelque chose pour eux. Mais il y avait beaucoup de paroles, c’est vrai. Il fallait toujours trouver quelque chose pour ne pas qu’ils gambergent. C’est dur, le Tour de France ! Je leur disais toujours qu’eux aussi étaient des champions.
« David Millar seul dans la Madeleine, ça m’a beaucoup marqué »
Il y a des coureurs, des moments qui vous ont marqué plus que d’autres ?
Il y en a beaucoup… J’ai l’exemple de David Millar en tête. Il était blessé et il y avait une étape de montagne à disputer. Il est rapidement dernier, et il n’arrive pas à se greffer au gruppetto. J’étais persuadé qu’il allait abandonner, il ne voulait pas de bidon, rien… Son directeur sportif m’a tout filé pour lui. Et à un moment, il a accepté un bidon. Et il s’est fait 180 bornes tout seul, avec le col de la Madeleine pour finir. Il termine tout juste dans les délais, mais j’ai passé la journée derrière lui, c’était impressionnant. Le soir, je vais rendre les roues à son DS, il me demande de passer au bus. Je n’y vais pas. Le lendemain matin, je finis par accepter. David Millar me salue, et il m’offre son maillot. Il n’était pas obligé. La classe, un bon mec.
Ça crée des liens, d’être en difficulté, finalement…
Oui, c’est vrai. Jens Voigt m’a appelé M. Mavic (marque de vélo) pendant quatre, cinq ans. On fait la descente, ça va vite. Et là je vois un coureur qui sort du ravin. Jens Voigt. Il y avait une histoire de cale-pied sur le vélo, mais je n’avais pas de vélo pour lui, juste un Mavic, qui ne lui convenait pas tant que ça. Mais ça lui a permis de finir l’étape, même s’il a fini mal en point les 25 dernières bornes. Il y a une vraie vie loin du peloton…
Avec toute sa dramaturgie…
Oui, forcément. Un des pires moments, c’est quand j’ai dû prendre Magnus Backstead, vainqueur de Paris-Roubaix, quand même, dans la voiture-balai. Il était très grand, costaud… Et il pleurait beaucoup. Ça faisait bizarre. Il était incapable de continuer, inconsolable.
Quand vous les récupérez, ça veut dire que le Tour est fini pour eux. Quelle était l’attitude de ceux qui abandonnaient ?
Il y en a pour qui il y avait du soulagement. Certains qui parlaient, faisaient des blagues directement, on sentait qu’un poids s’était enlevé. Et d’autres qui se tournaient sur le côté et chialaient. J’essayais de jauger, d’être humain. Mon but était de tout faire pour les aider à arriver à Paris. J’en ai vu des choses…
Des moments drôles ?
Certains oui, je ne peux pas tous les raconter. Mais j’ai déjà dû attendre un coureur qui avait des problèmes gastriques et avait couru dans une caravane. Il était très malade, J’ai insisté auprès de son directeur sportif pour qu’il vienne lui donner un bidon. Même le commissaire était d’accord. Il fallait qu’il recolle au gruppetto, ce n’est pas de sa faute s’il est malade… On a quand même le droit d’être mal une journée. J’en ai sauvé quelques-uns, c’est aussi pour ça que j’ai de bonnes relations avec les coureurs. Il faut être humain, c’est dur le Tour de France. Je le redis, mais ce sont tous des champions.
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