Le Spitfire oublié de Sangatte

En pleine opération Dynamo et alors que les soldats britanniques tentent de rejoindre l'Angleterre, des dizaines de chasseurs de la Royal Air Force sont déployés pour protéger les navires venus sauver les Alliés d'une débâcle totale. Parmi eux, Geoffrey Stephenson, chef du No. 19 Squadron, aux commandes du Spitfire N3200. Abattu en plein vol, il s'écrase sur la plage de Sangatte, à l'ouest de Calais : l'avion va rester sur la plage, recouvert de sable, pendant plus de 45 ans, avant d'être finalement exhumé et rénové ! Aujourd'hui, ce Spitfire est même en état de voler !

Construit à Southampton en 1939, ce Supermarine Spitfire Mark 1a est délivré au No. 19 Squadron de la Royal Air Force installé à Duxford, en avril 1940. Le 10 mai 1940, la Wehrmacht, l'armée allemande, attaque en envahissant les Pays-Bas, le Luxembourg et la Belgique : c'est le début de la Bataille de France. Le British Expeditionary Force (BEF) est alors déployé aux côtés des Français et des troupes belges. Mais à la fin du mois de mai 1940, l'avancée rapide de l'Allemagne à travers le nord-ouest de l'Europe contraint les troupes alliées à regagner la côte de la Manche.

Bloqué sur les plages du port français de Dunkerque, le BEF est confronté à son anéantissement par les forces allemandes ou à une capture certaine, qui signifierait la perte des seules troupes britanniques formées et la victoire totale de l'Allemagne hitlérienne. La Royal Navy planifie à la hâte une évacuation d'urgence : c'est l'opération Dynamo, qui vise à ramener les troupes en Grande-Bretagne. Le 26 mai, Dynamo est déclenchée.

La Royal Air Force envoie tous les chasseurs disponibles pour protéger l'évacuation. Le chef du No. 19 Squadron, Geoffrey Stephenson, rejoint Dunkerque aux commandes de son Spitfire, affublé du code N3200. Il s'agit de sa première et unique opération alors qu'il dirige son escadron en patrouille pour couvrir l'évacuation. Il tombe, face à lui, sur l'as de la Luftwaffe, la chasse allemande, Erich Rudorffer, du Jagdgeschwader 2.

Au-dessus de la ville de Sangatte, au nord-ouest de Calais, Rudorffer abat un premier Spitfire. Deux minutes plus tard, il accroche le chasseur de Stephenson. Il est alors 9h47 et l'as allemand va remporter sa 6e victoire. Le pilote du Messerschmitt Bf109 surclasse le pilote britannique : un tir touche le radiateur et contraint Stephenson à se poser en catastrophe. Le Spitfire touche terre dans un crash contrôlé sur le ventre, sur la plage de Sangatte, à l'ouest de Calais.

Geoffrey Stephenson est immédiatement capturé. Mais il n'est pas seul : son escadron a perdu trois Spitfire lors de l'engagement, dont les deux victoires aériennes revendiquées par Rudorffer. Stephenson part alors pour près de 5 années de captivité, étant notamment prisonnier au château de Colditz, un camp de prisonniers pour officiers ayant tenté de s'évader ! Mais si le pilote va survivre à la guerre, son Spitfire est abandonné sur la plage !

Pendant des années, soldats allemands et civils français viennent s'y faire photographier, en souvenir des combats. Et petit à petit, le Spitfire est oublié, disparaissant dans les sables de Sangatte. Il faut attendre 1986 avant que l'appareil ne revienne dans l'actualité : suite à de forts courants, une partie de la carcasse devient visible ! C'est suite à cet événement qu'un sauvetage est décidé. Le Spitfire est alors retiré des sables.

La carcasse de l'appareil est exposée pendant une dizaine d'années au célèbre musée souterrain de la Forteresse de Mimoyecques, où pendant la guerre, Hitler avait l'intention d'utiliser sa «super-arme», le nouveau canon V-3, sur les Alliés. Simon Marsh et Thomas Kaplan ont rapatrié en Angleterre le N3200 en 2000 avant de le confier à l'entreprise Historic Flying en 2007, pour une rénovation complète. La cellule et le moteur Merlin sont ainsi rénovés et reconstruits depuis les pièces d'origine. La rénovation s'achève en 2014 et dès l'année suivante, le 9 juillet 2015, il est généreusement offert à l'Imperial War Museum de Londres, où il est présenté au public lors d'une démonstration aérienne !

Source : aviation-safety.net