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Le magicien de clic clac en 1900
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Le magicien de clic clac en 1900
Chargé d'une chambre en bois verni, au soufflet volumineux et au lourd trépied, et d'une mallette contenant les objectifs, les loupes de réglage, les châssis à glissière, la lampe à éclair de magnésium et les flacons des produits chimiques nécessaires au traitement des plaques, le photographe traînait dans ses déplacements un fourniment dont le poids pouvait atteindre une cinquantaine de kilos ! Il disposait d'un vélocipède sur le porte-bagage duquel il ficelait son barda ou, beaucoup mieux, d'un phaéton automobile. Après la Grande Guerre, la commercialisation des boîtiers portatifs et des pellicules en bobine améliorèrent les conditions de travail et contribuèrent à vulgariser l'art photographique.
Au studio. L'électrification des campagnes ne commença que dans les années 1925. Auparavant, dans l'atelier du photographe, l'éclairage était diffusé par une verrière du toit grande ouverte sur le ciel. Il convenait donc de choisir le jour propice et la bonne heure quand, endimanché de neuf et rasé de près, ou pimpante dans ses plus beaux atours, on se rendait chez le "tireux de portraits". Lorsque la luminosité paraissait vraiment trop faible, la prise de vue s'effectuait à l'extérieur, quitte à tricher en s'autorisant quelque mise en scène. Un cagibi aux ouvertures calfeutrées suffisait à faire un laboratoire convenable.
Au dedans comme au dehors, on prenait la pose devant un décor peint sur calicot. Le fond et les accessoires variaient en fonction du sujet à représenter: c'était le flou artistique d'une tenture pour un bébé posé nu sur une peau de mouton, un paysage bucolique pour des jeunes mariés rayonnants de bon heur, un prie-Dieu pour des communiants, un banc de pierre — en bois - pour un soldat permissionnaire, le guéridon de salon pour une grand-mère entourée de ses petits-enfants.
L'un retroussait ses moustaches, l'autre se campait dans une attitude avantageuse. On rajustait un col, une broche ; on arborait un sourire figé. Au besoin le maître des lieux prêtait une cravate plus habillée, une redingote moins chiffonnée. Il rectifiait la position d'un bras, il relevait un menton; enfin satis fait du coup d'oeil, il disparaissait sous le rideau noir qui tombait à l'arrière de l'appareil et il pressait la poire du déclencheur. Attention ! on ne bougeait plus pendant une pincée de secondes, tant que le p'tit oiseau n'était pas sorti. Après le déclic, toute personne photographiée ne s'appartenait plus tout à fait : son image venait de se plaquer, pour un moment d'éternité, dans le gélatinobromure.
Lorsqu'il restait confiné des journées entières dans son laboratoire obscur, à développer des pellicules ou à tirer des épreuves sur papier bromure, le photographe s'obligeait à boire beaucoup de lait. C'était une façon de se protéger des effets de certains produits nocifs.
Le photographe s'éloignait volontiers de son antre. Il était, à la suite du curé et du maire, le troisième officiant dans les noces : c'était lui qui immortalisait un mariage après avoir disposé l'assistance, autour des "épouseux", sur des bancs et des gradins de fortune. Il réalisait également des photos-souvenir à l'occasion des rentrées scolaires, des fêtes patronales, des comices agricoles, des foires, des pèlerinages.
Il sillonnait les alentours afin de fixer les banalités de la vie ordinaire, les artisans à l'ouvrage et les paysans en moisson, sans jamais se douter que, ce faisant, il engrangeait d'authentiques documents qui seraient précieux pour les ethnologues à venir. Le passage d'un dirigeable, le déraillement d'un train ou le débordement d'un fleuve en crue constituaient autant d'événements à saisir, moins par goût du sensationnalisme que pour en consigner l'exceptionnelle importance. Cet homme-là était une sorte de magicien capable de pérenniser, en un clic-clac, des instants éphémères.
Tirées par simple insolation sans l'aide d'un agrandisseur, à la taille du négatif, quelquefois retouchées au pastel étalé avec le doigt, certaines épreuves étaient contrecollées sur un carton; d'autres, reproduites en phototypie, devenaient des cartes postales à l'intention de l'épicier ou du buraliste.
http://www.histoire-en-questions.fr
Au studio. L'électrification des campagnes ne commença que dans les années 1925. Auparavant, dans l'atelier du photographe, l'éclairage était diffusé par une verrière du toit grande ouverte sur le ciel. Il convenait donc de choisir le jour propice et la bonne heure quand, endimanché de neuf et rasé de près, ou pimpante dans ses plus beaux atours, on se rendait chez le "tireux de portraits". Lorsque la luminosité paraissait vraiment trop faible, la prise de vue s'effectuait à l'extérieur, quitte à tricher en s'autorisant quelque mise en scène. Un cagibi aux ouvertures calfeutrées suffisait à faire un laboratoire convenable.
Au dedans comme au dehors, on prenait la pose devant un décor peint sur calicot. Le fond et les accessoires variaient en fonction du sujet à représenter: c'était le flou artistique d'une tenture pour un bébé posé nu sur une peau de mouton, un paysage bucolique pour des jeunes mariés rayonnants de bon heur, un prie-Dieu pour des communiants, un banc de pierre — en bois - pour un soldat permissionnaire, le guéridon de salon pour une grand-mère entourée de ses petits-enfants.
L'un retroussait ses moustaches, l'autre se campait dans une attitude avantageuse. On rajustait un col, une broche ; on arborait un sourire figé. Au besoin le maître des lieux prêtait une cravate plus habillée, une redingote moins chiffonnée. Il rectifiait la position d'un bras, il relevait un menton; enfin satis fait du coup d'oeil, il disparaissait sous le rideau noir qui tombait à l'arrière de l'appareil et il pressait la poire du déclencheur. Attention ! on ne bougeait plus pendant une pincée de secondes, tant que le p'tit oiseau n'était pas sorti. Après le déclic, toute personne photographiée ne s'appartenait plus tout à fait : son image venait de se plaquer, pour un moment d'éternité, dans le gélatinobromure.
Lorsqu'il restait confiné des journées entières dans son laboratoire obscur, à développer des pellicules ou à tirer des épreuves sur papier bromure, le photographe s'obligeait à boire beaucoup de lait. C'était une façon de se protéger des effets de certains produits nocifs.
Le photographe s'éloignait volontiers de son antre. Il était, à la suite du curé et du maire, le troisième officiant dans les noces : c'était lui qui immortalisait un mariage après avoir disposé l'assistance, autour des "épouseux", sur des bancs et des gradins de fortune. Il réalisait également des photos-souvenir à l'occasion des rentrées scolaires, des fêtes patronales, des comices agricoles, des foires, des pèlerinages.
Il sillonnait les alentours afin de fixer les banalités de la vie ordinaire, les artisans à l'ouvrage et les paysans en moisson, sans jamais se douter que, ce faisant, il engrangeait d'authentiques documents qui seraient précieux pour les ethnologues à venir. Le passage d'un dirigeable, le déraillement d'un train ou le débordement d'un fleuve en crue constituaient autant d'événements à saisir, moins par goût du sensationnalisme que pour en consigner l'exceptionnelle importance. Cet homme-là était une sorte de magicien capable de pérenniser, en un clic-clac, des instants éphémères.
Tirées par simple insolation sans l'aide d'un agrandisseur, à la taille du négatif, quelquefois retouchées au pastel étalé avec le doigt, certaines épreuves étaient contrecollées sur un carton; d'autres, reproduites en phototypie, devenaient des cartes postales à l'intention de l'épicier ou du buraliste.
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