Meccano, dans les coulisses de l’indéboulonnable fabricant de jouets français

Correspondance, Gautier DEMOUVEAUX

Jouet iconique et intergénérationnel, les Meccano auront encore une place de choix au pied des sapins cette année. Retour sur l’histoire de ce jeu de construction créé à la fin du XIXe siècle et qui est aujourd’hui fabriqué à Calais.

Lorsqu’on pénètre dans l’usine Meccano de Calais, impossible de manquer le modèle réduit de la Tour Eiffel ou la réplique d’une voiture de course, à l’échelle 1/2, qui trône dans le hall d’entrée. Ces maquettes sont bien entendues fabriquées à partir des mêmes éléments que l’on peut trouver dans les boîtes du célèbre jeu, identiques depuis sa création en 1898 par Frank Hornby

La Tour Eiffel en modèle réduit, entièrement en meccano à l'entrée de l'usine de Calais. (Photo : Gautier Demouveaux)

Cet Anglais, père de deux garçons fascinés par les grues du port de Liverpool, imagine pour eux un système de construction permettant de fabriquer un modèle réduit à partir de bandes métalliques, plaques, roues, essieux et roues réutilisables, avec des écrous et boulons pour relier chaque partie.
Frank Hornby, l’inventeur de Meccano, est aussi à l’origine des trains miniatures Hornby et des petites voitures Dinky toys, des références pour les enfants des années 1950 à 1970. (Photo : Wikicommons)

L’idée lui serait venue lors d’un long voyage en train, quelques jours avant Noël, comme le racontait l’inventeur en 1932 : « Alors que je me penchais sur la question, je me suis rendu compte du gaspillage de temps qu’impliquait la création d’une pièce pour une seule utilisation », se rappelait-t-il

« Je sentais qu’il était nécessaire d’avoir des pièces qui pourraient être utilisées de différentes façons dans de nombreux modèles différents, et qui pourraient être ajustées pour donner une variété de mouvements par l’altération de la position, etc. Pour ce faire, il était nécessaire de mettre au point une méthode standardisée pour assembler une pièce avec une autre. Et peu à peu, il m’est venu à l’esprit la conception de pièces, toutes perforées, avec une série de trous de la même taille et à la même distance les uns des autres. Je me suis rendu compte que ces pièces pourraient être boulonnées selon un modèle dans différentes positions et dans différents angles. »

« Et après avoir fait leur travail pourraient être déboulonnées et appliquées à un autre. […] Cela a pris du temps avant que toutes mes pièces soient prêtes, mais plus je travaillais dessus, plus je sentais que je prenais la bonne voie et que le succès serait assuré, poursuivait le créateur du jouet. Ce fut un grand jour pour moi et pour mes garçons quand j’ai construit ma première grue Meccano, qui fonctionnait magnifiquement bien, comme un véritable grue. »

Un succès international immédiat

En 1901, Hornby lance sa marque sous le nom de « Mechanics made easy » (« la mécanique rendue facile »), qui prendra le nom de Meccano dès 1907. C’est un succès immédiat et international ! Une première usine est construite à Liverpool, puis à Berlin en Allemagne en 1912 et à Paris en 1920. Cette dernière, située dans le quartier de Belleville, est très vite remplacée par une nouvelle unité de production basée à Bobigny.

En 1959, une autre usine est construite à Calais. Mais à l’âge d’or du jeu de construction succède les périodes d’incertitudes. « Entre les années 1950 et 1970, Meccano connaît plusieurs repreneurs, explique Éric de Maigret, le directeur du site calaisien. Si les pièces évoluent afin de construire de nouveaux modèles, le principe reste le même, à base de vis, d’écrous et de lamelles de métal à assembler. Au début des années 1970, le monde du jouet connaît une crise sans précédent et les ventes de Meccano s’effondrent. »

Le groupe créé par Frank Hornby est démantelé. Si les trains miniatures Hornby et les petites voitures Dinky toys – imaginés également par l’inventeur anglais – restent sous pavillon britannique, Meccano devient français, par le biais de sa filiale hexagonale.
Les employés sur la chaîne d'emballage des Meccano qui raviront les enfants à Noël. (Photo : Gautier Demouveaux)

L’usine de Liverpool – qui fut pendant longtemps la plus grande usine de jouets au monde ! – ferme définitivement ses portes en 1979, et c’est ainsi que le site de Calais devient le principal lieu de fabrication de Meccano dans le monde, et la seule usine en Europe.

Aujourd’hui, ce dernier compte 80 salariés en CDI et accueille jusqu’à 130 personnes en périodes de pointe, pour produire plus d’un demi-million de boîtes par an, principalement pour les marchés français, britanniques et américains.


Pas de pénurie sous le sapin

La période de Noël représente bien entendu un moment incontournable pour la marque française : « Pour les fabricants de jouets, les fêtes de fin d’année se préparent dès le mois de juin, poursuit Éric de Maigret. Depuis lors, notre armée de petits lutins se relaie jour et nuit pour fabriquer les jouets. Malgré la crise sanitaire et les deux périodes de confinement, je peux vous assurer que, grâce à l’ensemble du personnel, il n’y aura pas de pénurie de Meccano au pied des sapins ! »

Chaque sachet de pièces est pesé automatiquement afin d’être vérifié. En cas de souci, un opérateur rajoute les éléments manquants. (Photo : Gautier Demouveaux)

Car si l’entreprise est aujourd’hui propriété de la multinationale canadienne du jouet Spin Master et que le service conception qui élabore les nouveaux modèles a rejoint Toronto il y a quelques années, l’ensemble de la production est toujours localisé à Calais. Meccano reste aujourd’hui un jouet made in France, une force dans le contexte actuel, reconnaît son directeur.

« Nous sommes situés au cœur de notre marché principal, qui est la France, et la quasi-totalité des pièces métalliques et plastiques sont fabriquées ici. Elles sont peintes par les employés d’une entreprise d’insertion voisine avec qui nous sommes partenaires, même les boîtes sont fabriquées par un imprimeur local. Nous avons la capacité de lancer des productions et de pouvoir livrer la France très rapidement. Grâce à cette proximité, nous n’avons pas eu à subir une perturbation des chaînes logistiques, contrairement à d’autres. »

Un incontournable de Noël

Encore aujourd’hui, les Meccano restent une valeur sûre à Noël. Le jeu de construction a su s’adapter pour rester attractif aux yeux des enfants du XXIe siècle, comme il l’était il y a 120 ans. Il y a toujours la gamme Meccano classics, qui reprend le principe de construction, avec des incontournables comme Big Ben ou la Tour Eiffel, les traditionnels camions de pompiers ou grues, mais aussi des modèles plus modernes comme des Formule 1, des Buggy tous terrains et même des dinosaures !

Une impressionnante voiture entièrement construite avec des pièces de Meccano. Impressionnant ! (Photo : Gautier Demouveaux)

« Si les modèles ont changé, cette gamme est la même que celle qu’ont connu nos parents et grands-parents, note Éric de Maigret. Et ce sont souvent eux qui offrent ces jouets à leurs enfants et petits-enfants, afin de revivre avec eux, comme une madeleine de Proust, ce qu’ils ont vécu étant plus jeunes. Cette marque a su traverser les âges et permet de faire le lien entre les différentes générations. »


En fonction des boîtes, il est possible de construire de 3 à 25 maquettes différentes. Sans compter les modèles nés de l’imagination des enfants. (Photo : Gautier Demouveaux)

Car Meccano s’est adapté aux évolutions technologiques, en ajoutant au fil des années des engrenages, de l’hydraulique et même des moteurs à programmer. Pour les plus jeunes, la gamme Meccano juniors, à partir de 5 ans, permet de s’initier à la construction avec des pièces plus maniables en plastique.

Enfin, les kits d’innovation permettent aux plus imaginatifs de développer leurs propres modèles et de sortir des notices de montage. Dans ces boîtes, un « tool maker » – une pince qui permet de perforer des matériaux comme le carton et le plastique en reproduisant l’espacement d’un demi-pouce entre chaque trou sur les bandes métalliques – offre aux inventeurs en herbe des possibilités illimités en construisant eux-mêmes leurs pièces !


Si le packaging et les modèles à construire ont évolué au fil des 120 ans d’existence de la marque, le principe du Meccano est resté identique, tout comme les pièces métalliques, qui sont toutes compatibles et percées de trous espacés d’un demi-pouce (1,27 cm). (Photo : Gautier Demouveaux)

« C’est aussi ce qui explique sans doute pourquoi Meccano a plutôt bien résisté pendant la crise du Covid, conclut Éric de Maigret. Les parents ont voulu que les enfants fassent autre chose que de passer leur temps devant des écrans et fassent travailler leur imagination ! Il faut réfléchir, utiliser ses mains et son cerveau… Plus on construit des objets complexes, plus il y a des calculs, des règles de 3… On retrouve un lien entre le jeu, l’apprentissage et la technique. C’est un jouet très ludique ! »

Un jeu qui plaît aux petits mais aussi aux grands, comme le prouve les nombreux clubs de passionnés de Meccano, un peu partout en France…


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