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Brest. Quand les femmes se battaient pour l’égalité du temps de travail
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Brest. Quand les femmes se battaient pour l’égalité du temps de travail
Marie-Thérèse Bégoc, ancienne syndicaliste CFDT, a participé activement à ce mouvement qui a duré onze semaines.
Il y a 45 ans, les quelque 300 couturières du Maître Tailleur, entreprise qui travaillait pour le compte de la Marine nationale, s’étaient mises en grève pour travailler 43 heures hebdomadaires comme les ouvriers de l’arsenal. Le conflit avait duré onze semaines. Retour sur une page de l’histoire sociale de Brest oubliée.
Nous sommes le 24 mars 1974. Deux cents couturières en colère défilent sous les fenêtres de la préfecture maritime. Personne n’a été prévenu. L’effet de surprise est total. Le matelot de garde, paniqué à la vue de cette foule féminine qui avance banderoles levées au ciel, s’en va quérir les ordres.
Ces femmes travaillent dans l’atelier du maître tailleur de la Marine nationale, une entreprise privée « dont le patron est l’adjudicateur des affaires militaires », peut-on lire dans le Télégramme de l’époque. Ces femmes, qui confectionnent les uniformes travaillent sur le port militaire mais ne bénéficient d’aucun avantage lié au statut des travailleurs de l’État. Leurs revendications ne portent pas sur les salaires, mais sur leur temps de travail qu’elles veulent aligner sur celui des ouvriers de l’arsenal : à savoir 43 heures.
Marie-Thérèse Bégoc, ancienne déléguée du personnel CFDT, participait à cette manifestation, et à bien d’autres ensuite. « À l’époque, on était 292 dans l’atelier. Les conditions de travail n’étaient pas du tout évidentes, se souvient-elle dans sa maison de Plouzané (29). On travaillait à la chaîne, toujours sur les mêmes pièces. Certaines ne faisaient que des cols, d’autres que des manches. Toute la production était chronométrée. Et notre salaire était fonction de cela. L’été, c’était la fournaise dans le bâtiment qui avait été construit dans la hâte après guerre. En 1976, lors de la canicule, les marins-pompiers arrosaient les verrières pour qu’on puisse respirer. Et l’hiver, à l’inverse, c’était glacial ».
L'atelier en 1960. Photo tirée du blog de Sylvie Ungauer, consacré à l'histoire de cet atelier, intitulé « Nous d'ici et d'ailleurs ». (Photo Didier Déniel)
Marie-Thérèse garde aussi de bons souvenirs de cette époque. « On était jeunes, moins de 30 ans en général. On rigolait bien et on était soudées ». C’est cet esprit de corps qui va faire bouger les choses. « On en avait marre de voir les gars de l’arsenal franchir les portes à 17 h 55, alors que nous, on ne pouvait sortir qu’après 18 h 05. Tous les soirs c’était le même scénario : on mettait un temps fou à rejoindre la ville. Les mères de familles étaient nombreuses, elles devaient courir pour récupérer leurs enfants à la crèche, chez la nounou ou chez quelqu’un de la famille. Alors on a fait grève ».
Manifestation dans l’enceinte du port militaire !
Ce mouvement très spontané étonnera les Brestois, peu habitués à voir une armée de femmes battre le pavé. « La grève n’était pas continue. On débrayait de temps en temps. On est allées très loin, se souvient Marie-Thérèse Bégoc. On a pris d’assaut la préfecture maritime. Plus tard, on a bloqué le pont de Recouvrance où on avait organisé un grand pique-nique. Et surtout on a défilé dans le port militaire où toute manifestation syndicale était strictement interdite. Les gars de l’arsenal nous applaudissaient quand on passait. On n’avait pas peur. On était portées par un grand élan de sympathie ».
Le 09 avril 1974, la direction du Maître Tailleur acceptera de diminuer le temps de travail. Après ce bras de fer, les choses évolueront vraiment dans le bon sens pour les ouvrières. « On avait obtenu de finir 10 minutes avant. Et puis de pouvoir commencer à 6 h le matin quand il faisait trop chaud pour quitter le travail à 14 h. La direction a aussi accepté que certaines d’entre nous travaillent à 4/5e, une première à Brest. Un treizième mois nous a été versé. Et même un quatorzième, deux années de suite». Deux fois par semaine aussi, les syndicalistes faisaient les démarches administratives et sociales pour les femmes qui ne pouvaient quitter leur poste.
L’atelier a fermé en 2015
Quelques années plus tard, un nouveau directeur, venue d’Asie, prendra le grand atelier en main. « Il était vraiment très dur. Il nous avait dit qu’un bol de riz nous suffirait comme salaire. Lors d’un conflit, on l’a séquestré. A midi, il a eu un cornichon et un bout de pain à se mettre sous la dent » , poursuit l’ancienne déléguée syndicale tout sourire.
Puis, doucement, l’atelier s’est vidé. En décembre 2015, il a définitivement fermé ses portes. La confection des uniformes a été confiée à des ateliers, au Maroc, et dans d’autres pays où la main d’œuvre est bien moins chère qu’en France. Une quarantaine de femmes y étaient encore employées. La plupart ont été reclassées au ministère de la Défense comme agents de droit public.
Sylvie Ungauer, artiste et enseignante à l’école supérieure d’arts de Brest a consacré un blog bien documenté sur la vie de cet atelier.
http://nous-dicietdailleurs.blogspot.com/2016/03/le-demembrement.html
Il y a 45 ans, les quelque 300 couturières du Maître Tailleur, entreprise qui travaillait pour le compte de la Marine nationale, s’étaient mises en grève pour travailler 43 heures hebdomadaires comme les ouvriers de l’arsenal. Le conflit avait duré onze semaines. Retour sur une page de l’histoire sociale de Brest oubliée.
Nous sommes le 24 mars 1974. Deux cents couturières en colère défilent sous les fenêtres de la préfecture maritime. Personne n’a été prévenu. L’effet de surprise est total. Le matelot de garde, paniqué à la vue de cette foule féminine qui avance banderoles levées au ciel, s’en va quérir les ordres.
Ces femmes travaillent dans l’atelier du maître tailleur de la Marine nationale, une entreprise privée « dont le patron est l’adjudicateur des affaires militaires », peut-on lire dans le Télégramme de l’époque. Ces femmes, qui confectionnent les uniformes travaillent sur le port militaire mais ne bénéficient d’aucun avantage lié au statut des travailleurs de l’État. Leurs revendications ne portent pas sur les salaires, mais sur leur temps de travail qu’elles veulent aligner sur celui des ouvriers de l’arsenal : à savoir 43 heures.
Marie-Thérèse Bégoc, ancienne déléguée du personnel CFDT, participait à cette manifestation, et à bien d’autres ensuite. « À l’époque, on était 292 dans l’atelier. Les conditions de travail n’étaient pas du tout évidentes, se souvient-elle dans sa maison de Plouzané (29). On travaillait à la chaîne, toujours sur les mêmes pièces. Certaines ne faisaient que des cols, d’autres que des manches. Toute la production était chronométrée. Et notre salaire était fonction de cela. L’été, c’était la fournaise dans le bâtiment qui avait été construit dans la hâte après guerre. En 1976, lors de la canicule, les marins-pompiers arrosaient les verrières pour qu’on puisse respirer. Et l’hiver, à l’inverse, c’était glacial ».
L'atelier en 1960. Photo tirée du blog de Sylvie Ungauer, consacré à l'histoire de cet atelier, intitulé « Nous d'ici et d'ailleurs ». (Photo Didier Déniel)
Marie-Thérèse garde aussi de bons souvenirs de cette époque. « On était jeunes, moins de 30 ans en général. On rigolait bien et on était soudées ». C’est cet esprit de corps qui va faire bouger les choses. « On en avait marre de voir les gars de l’arsenal franchir les portes à 17 h 55, alors que nous, on ne pouvait sortir qu’après 18 h 05. Tous les soirs c’était le même scénario : on mettait un temps fou à rejoindre la ville. Les mères de familles étaient nombreuses, elles devaient courir pour récupérer leurs enfants à la crèche, chez la nounou ou chez quelqu’un de la famille. Alors on a fait grève ».
Manifestation dans l’enceinte du port militaire !
Ce mouvement très spontané étonnera les Brestois, peu habitués à voir une armée de femmes battre le pavé. « La grève n’était pas continue. On débrayait de temps en temps. On est allées très loin, se souvient Marie-Thérèse Bégoc. On a pris d’assaut la préfecture maritime. Plus tard, on a bloqué le pont de Recouvrance où on avait organisé un grand pique-nique. Et surtout on a défilé dans le port militaire où toute manifestation syndicale était strictement interdite. Les gars de l’arsenal nous applaudissaient quand on passait. On n’avait pas peur. On était portées par un grand élan de sympathie ».
Le 09 avril 1974, la direction du Maître Tailleur acceptera de diminuer le temps de travail. Après ce bras de fer, les choses évolueront vraiment dans le bon sens pour les ouvrières. « On avait obtenu de finir 10 minutes avant. Et puis de pouvoir commencer à 6 h le matin quand il faisait trop chaud pour quitter le travail à 14 h. La direction a aussi accepté que certaines d’entre nous travaillent à 4/5e, une première à Brest. Un treizième mois nous a été versé. Et même un quatorzième, deux années de suite». Deux fois par semaine aussi, les syndicalistes faisaient les démarches administratives et sociales pour les femmes qui ne pouvaient quitter leur poste.
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