Dans ce petit village normand, la boulangère moissonne son blé à la main comme autrefois

Par Yann HALOPEAU

La météo capricieuse ne facilite pas la moisson dans la Manche. À Quibou, la boulangère-paysanne Maeva Leprovost a dû décaler celle qu’elle effectue à la main. À l’ancienne. Avec l’aide de bénévoles et amis, pour qu’elle puisse continuer à faire le pain bio du village. Reportage.


Ce dimanche, ils sont dix-sept agenouillés, accroupis, dans la parcelle que la boulangère-paysanne de Quibou (Manche), Maeva Leprovost, réserve à sa moisson à la main. Avec faux, faucilles et gants, bénévoles et amis de la boulangère trient le bon grain de l’ivraie. « J’ai d’autres parcelles où la moissonneuse-batteuse a fait le job. Ici, je voulais moissonner à l’ancienne, à la main. D’où mon appel sur ma page Facebook aux bénévoles. Mais, en raison de la météo compliquée, j’ai dû décaler cette moisson à plusieurs reprises. On aurait pu être davantage. »



Brin par brin

Un travail minutieux, pratiqué dans la bonne humeur et avec entrain. « On a planté ici 18 variétés de blé différentes pour avoir différentes protéines pour du pain bio, pétri à la main. » Faire le tri entre épis de blé et mauvaises herbes, envahissantes n’a rien d’une sinécure cet été. « C’est quasiment du brin par brin », rigolent les bénévoles. Maeva sourit et voit ses cueilleurs et cueilleuses, poignées après poignée, gerbe après gerbe, déposer sur une grande toile de jute leur menue récolte. Là, elles subissent un nouveau tri.

Maeva, 40 ans, a décidé de plaquer son métier de commerciale dans l’alimentation bio pour s’installer à Quibou comme boulangère-paysanne. « Il y a trois ans. J’ai toujours été proche de la nature à cause des chevaux et ma pratique du horseball, confie-t-elle. J’ai souhaité revenir à des choses plus simples. Le fait d’avoir un papa ancien pâtissier et un grand-père boulanger a dû jouer. Je voulais être ma propre patronne et faire tout de A à Z. De la culture du blé,
À Quibou, sur une parcelle, les bénévoles et amis de la boulangère Maeva ont moissonné à la main à genoux faisant le tri entre mauvaises herbes et 18 variétés de blé. (Photo : Ouest-France)
À Quibou, pour la moisson à la main, à l’ancienne, tout le monde met la main à la pâte pour donner un coup de main à la boulangère Maeva Leprovost. (Photo : Ouest-France)


Par poignée, chacun apporte une gerbe des 18 variétés de blé moissonnées à la main, et sur la bâche en jute, un nouveau tri est effectué. (Photo : Ouest-France)

Avant de sauter le pas, Maeva Leprovost est allé voir travailler un autre paysan-boulanger, Clément Tauzia à Bellefontaine. « Un vrai coup de foudre pour le métier et sa façon de travailler. En sortant de chez lui, je suis partie en formation pour décrocher un BPREA de responsable agricole spécialisé paysan boulanger au lycée agricole de Coutances. »

Elle s’est installée en août 2019 en reprenant l’ancienne boulangerie de Quibou. « Au début, j’allais faire mon pain chez un boulanger de Guilberville car je n’avais pas encore mon four à bois. »

350 kg de pain par semaine

Avec son collectif agricole Bioquibois, composé d’un paysan brasseur, d’un maraîcher, d’une éleveuse de brebis pour le fromage, d’un éleveur de moutons pour la viande, d’un éleveur de poules pondeuses et volailles, et d’elle-même, Maeva dispose de 13 hectares. « On cherche encore des terres. Je veille aux rotations des cultures pour pouvoir produire mon propre blé et faire ma farine sans épuiser les sols. J’en achète aussi au meunier du Vicel, dans le Val de Saire, Xavier Roupsard, qui travaille sur meule de pierre. »

Certains amis du collectif sont d’ailleurs là à moissonner à la main ses variétés de blé anciennes « qui favorisent la multiplication de semences avec des protéines qui changent la donne et le goût de mon pain », dit-elle.

Aujourd’hui, Maeva Leprovost sort 350 kg de pain par semaine, 100 % au levain naturel, cuit au feu de bois. Dont une petite partie est issue de la farine qui sera faite à partir de la moisson de ce sacré dimanche de moissonneurs à l’ancienne.

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